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Vices de forme et de procédure : pas de contestation par voie d’exception

Public - Droit public général
12/04/2023
Dans un arrêt rendu le 1er mars 2023, le Conseil d’État a rappelé que les vices de forme et les vices de procédure ne pouvaient utilement être invoqués dans le cadre d’une contestation par voie d’exception. Il confirme ainsi son arrêt Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT (CE, ass., 18 mai 2018, n° 414583) et vient préciser que cette solution est applicable même lorsque le délai de recours contre l’acte attaqué n’est pas expiré.
Dans son arrêt rendu le 1er mars 2023 (CE, 1er mars 2023, n° 462648, Lebon T.), le Conseil d’État rappelle que tous les moyens invocables à l’encontre d’un acte attaqué par voie d’action ne peuvent être invoqués par voie d’exception. En effet, dans le cadre d’une contestation d’un acte réglementaire par voie d’exception, le requérant peut critiquer uniquement la légalité des règles fixées par cet acte, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir. En revanche, il n’en va pas de même des conditions d’édiction de cet acte. En effet, « les vices de forme et de procédure ne [peuvent] être utilement invoqués que dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte réglementaire lui-même ».
 
La Haute cour vient ici rappeler les termes d’un arrêt rendu par l’assemblée du contentieux le 18 mai 2018 (CE, ass., 18 mai 2018, n° 414583, Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT, Lebon). Dans cette décision, le Conseil avait d’abord rappelé les points de contrôle du juge lorsqu’il est saisi d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’un acte réglementaire : « Le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l'existence d'un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu'il énonce », et avait annoncé que « Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu'il est saisi, par la voie de l'action, dans le délai de recours contentieux ».
 
Après ce rappel, le Conseil s’était prononcé sur le contrôle du juge lorsqu’il est saisi par la voie de l’exception, et avait décidé de le restreindre, empêchant tout contrôle des vices de forme et de procédure en annonçant : « Si (…) la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux ».
 
Dans l’affaire sur laquelle le Conseil a rendu son arrêt le 1er mars dernier, la cour administrative d’appel avait rejeté l’invocation par voie d’exception d’un vice de forme entachant une délibération d’un conseil d’un EPCI comme étant inopérant. Le Conseil déclare que la cour n’a pas commis d’erreur de droit, alors même que le délai de recours contentieux contre le texte critiqué par voie d’exception n’était pas expiré.
 
Il vient ainsi apporter une précision supplémentaire par rapport à son arrêt rendu en 2018, à savoir que le fait que le délai de recours contentieux contre l’acte attaqué par voie d’exception ne soit pas expiré ne change pas la solution.
 
L’exception d’illégalité permet de contester la régularité d’un acte qui n’est plus attaquable par voie d’action du fait de l’expiration des délais de recours. Cette limitation tend à la recherche d’un équilibre entre la sécurité juridique et le respect de la légalité.
 
Dans ses conclusions, le rapporteur Arnaud Skzryerbak justifie cette solution par trois arguments. Il indique qu’il convient de se demander « dans quelle mesure l’illégalité de cet acte réglementaire rejaillit sur les décisions qui l’ont pour base légale ou qui sont prises pour son application », et répond que « Les vices de forme et de procédure de l’acte réglementaire ne contaminent pas les actes subséquents ». De plus, cette solution est justifiée selon lui par un motif pratique, à savoir qu’ « il n’est pas toujours facile de s’assurer  de ce caractère définitif ». Enfin, il rappelle qu’il résultait de la décision du 18 mai 2018 que dans le cas d’un refus d’abrogation, « l’invocation des vices de forme et de procédure n’est pas possible quand bien même l’acte dont l’abrogation est demandée ne serait pas définitif » et annonce qu’il devrait en aller de même pour l’exception d’illégalité.

 
  moyen moyen invocable par voie d'action moyen invocable par voie d'exception
moyens de légalité externe incompétence de l'auteur de l'acte oui oui
vice de forme oui non
vice de procédure oui non
moyens de légalité interne violation de la loi oui oui
détournement de pouvoir oui oui
Source : Actualités du droit