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Licenciement du fonctionnaire : contrôle de la qualification juridique des faits par le Conseil d’État

Public - Droit public général
05/08/2021
Dans un arrêt du 20 juillet, le Conseil d’État, exerçant un contrôle de la qualification juridique des faits, a confirmé l’annulation du licenciement d’une fonctionnaire pour insuffisance professionnelle. La décision était fondée sur une « insuffisance managériale » alors que l’intéressée n’exerçait aucune fonction d’encadrement.  
Une fonctionnaire titularisée dans le cadre d’emploi des éducateurs territoriaux de jeunes enfants avait été licenciée pour insuffisance professionnelle. Elle avait ensuite obtenu l’annulation du licenciement devant la cour administrative d’appel de Bordeaux. La communauté de communes Val de Charente, qui l’employait, se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
 
Dans son arrêt du 20 juillet 2021 (CE, 20 juill. 2021, n° 441096), le Conseil d’État rappelle que « Le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, ou correspondant à son grade, s'agissant d'un fonctionnaire, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions ».
 
Ainsi, la Haute cour rappelle deux éléments importants :
  • l’inaptitude d’un agent public à exercer des fonctions autres que celles pour lesquelles il a été engagé, ou correspondant à son grade, ne peut fonder un licenciement ;
  • de même, ne peut fonder un licenciement une carence ponctuelle dans l’exercice des fonctions pour lesquelles l’agent a été engagé.
 
Elle explique ensuite la façon dont doit agir l’employeur lorsqu’un fonctionnaire se révèle inapte à exercer des fonctions qui ne correspondent pas à son grade. En pareil cas, l’Administration doit mettre fin à ses fonctions, puis proposer à l’agent de nouvelles fonctions qui cette fois correspondent à son grade. À l’issue d’une « période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ces fonctions », l’Administration peut décider du licenciement.  
 
En l’espèce, la fonctionnaire avait été licenciée pour « insuffisance managériale » alors que des fonctions managériales n’étaient pas prévues dans son grade. En effet, le décret du 10 janvier 1995 portant statut particulier du cadre d’emplois des éducateurs territoriaux de jeunes enfants, alors en vigueur, prévoyait que ces fonctions constituaient un cadre de catégorie B et que ces agents étaient « chargés de mener des actions qui contribuent à l’éveil et au développement global des enfants d’âge préscolaire ».
 
Le Conseil d’État, exerçant un contrôle de la qualification juridique des faits, confirme le raisonnement de la cour administrative d’appel, qui avait jugé que l’arrêté prononçant le licenciement était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
 
Le président de la communauté de communes avait en effet noté que l’ « insuffisance managériale » de l’intéressée, déduite de son incapacité à développer des relations de travail adéquates avec ses collègues, était « susceptible de compromettre le bon fonctionnement du service ». Les juges d’appel avaient annulé le licenciement, considérant que les difficultés relationnelles de la fonctionnaire « ne pouvaient suffire à caractériser l'inaptitude de l'intéressée à exercer l'ensemble des fonctions correspondant au grade qu'elle détient dans le cadre d'emplois, relevant de la catégorie B, des éducateurs territoriaux de jeunes enfants, lesquelles ne sont, pour l'essentiel, pas des fonctions d'encadrement ».
 
Le licenciement d’un fonctionnaire territorial pour insuffisance professionnelle est prévu par l'article 93, al. 1er de la loi n° 84‐53 du 26 janvier 1984 portant statut de la Fonction publique territoriale, qui dispose : « Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire », et ne donne toutefois aucune définition de la notion d’insuffisance professionnelle.
 
Le juge administratif a pu considérer que le licenciement pour insuffisance professionnelle était « justifié non pas par la commission d'un ou de plusieurs faits précis et fautifs, susceptibles d'être datés, mais par un comportement qui, persistant dans la durée, révèle une incapacité de l'agent à assumer correctement les fonctions qui lui sont confiées » (CAA Marseille, 5 mars 2013, n° 12MA02882). Il doit être « fondé que sur des éléments manifestant son inaptitude à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ses missions » (CE, 18 janv. 2017, n° 390396).
 
Pour plus de détails, voir Le Lamy Fonction publique territoriale n° 720-8 et suivants.
Source : Actualités du droit