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Affaire « Dieselgate » : la responsabilité de Volkswagen pourra être recherchée partout en Europe

Civil - Responsabilité
15/07/2020
Par arrêt du 9 juillet 2020, la Cour de justice de l’Union européenne permet aux acheteurs européens des véhicules manipulés par Volkswagen de saisir leurs tribunaux nationaux à des fins d’indemnisation par rattachement au critère du lieu de la matérialisation du dommage.
Consommateurs européens lésés
Révélée le 18 septembre 2015, l’affaire dite « Dieselgate », a fait la une de la plupart de journaux au monde. En cause, la manipulation massive par Volkswagen des données relatives aux rejets des gaz d’échappement de certains de ses véhicules.

Plus précisément, une manipulation des données, opérée par un logiciel intégré lors de la conception du véhicule, permettait de fausser le contrôle des dépassements du seuil légalement autorisé des émissions des gaz d’échappement, lequel seuil était allègrement franchi. 

En l’espèce, Verein für Konsumenteninformation (VKI), une association autrichienne de protection des consommateurs, a introduit devant le tribunal régional de Klagenfurt en Autriche une action en responsabilité visant à condamner le constructeur automobile allemand. Cette association a regroupé plus de 500 consommateurs lésés qui ont acquis des véhicules de la marque équipée d’un moteur diesel truqué.

L’association estime que Volkswagen a utilisé un « dispositif d’invalidation » visé à l’article 5 du Règlement (CE) n° 715/2007. Le règlement définit un tel dispositif en tant que « tout élément de conception [utilisé aux] fins d'activer, de moduler, de retarder ou de désactiver le fonctionnement de toute partie du système de contrôle des émissions… ». Il y a eu donc une manipulation qui aurait conduit les consommateurs dans l’erreur. Selon le VKI, si les propriétaires des véhicules ont eu, préalablement à l’achat, connaissance de cette manipulation « soit ils se seraient abstenus d’acheter un tel véhicule, soit ils auraient obtenu une remise d’au moins 30 % sur le prix d’achat ».

Une question de compétence
Volkswagen conteste en l’espèce la compétence internationale du juge autrichien saisi. En effet, selon le Règlement n° 1215/2012, le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur. Or, en matière délictuelle (article 7 2)), une compétence spéciale est attribuée à la juridiction du lieu de la matérialisation du dommage et à celle du lieu de l’évènement causal.

Pour le constructeur allemand, le lieu de l’évènement causal se trouve en Allemagne où les véhicules ont été équipés du logiciel litigieux. Par corollaire, le tribunal autrichien n’est donc pas compétent. Toutefois, ces véhicules ont été achetés en Autriche auprès de revendeurs autrichiens, de sorte que le lieu de matérialisation du dommage attribuerait la compétence juridictionnelle aux tribunaux autrichiens.  
  
Ainsi, afin d’expliciter l’interprétation du Règlement n° 1215/2012 sur ce point précis, le tribunal autrichien a saisi la CJUE.

La réponse de la Cour
La cour européenne estime que « lorsque des véhicules ont été illégalement équipés dans un État membre (Allemagne) par leur constructeur d’un logiciel manipulant les données relatives aux rejets des gaz d’échappement avant d’être acquis auprès d’un tiers dans un autre État membre (Autriche), le lieu de la matérialisation du dommage se situe dans ce dernier État membre (Autriche) ».

Cette solution, lourde d’implications pour Volkswagen, est explicite dans son principe : si le dommage se manifeste au moment de l’achat et si le lieu dudit achat est un État membre autre que celui où le logiciel a été implanté, c’est bien le tribunal  de l’État où le véhicule a été acheté qui est compétent.

La généralité de la formule employée par la Cour permet donc à tous les acquéreurs européens de saisir leurs tribunaux nationaux, ce qui facilite grandement les recours en responsabilité : c’est l’enseignement pratique à retenir de l’arrêt.  

 
 
Source : Actualités du droit